intelligence collective - E-Santé

L’intelligence collective : au-delà des discours

 

JuggleApp, un nouvel outil, appuyant l’Intelligence Collective, pour une éducation personnalisée adaptée à chaque enfant


Laurie Pacini
Psychologue Ingénieur Recherche et Développement chez Juggle et doctorante en psychologie à l’Université de Lorraine

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L'élaboration et la mise à jour d'un programme éducatif personnalisé pour un enfant atteint de troubles neurodéveloppementaux prennent du temps et de l'énergie. Chaque professionnel est spécialisé dans un domaine du développement et a besoin d'une étroite collaboration avec d'autres professionnels pour améliorer le développement de l'enfant. L’équipe doit donc communiquer pour croiser les différentes expertises et co-élaborer l’accompagnement dans une démarche d’Intelligence Collective (Levy, 1994).

Le manque de temps et d'outils adéquats entraîne des difficultés en ce qui concerne ces élaborations et collaborations. Dans la même structure, les professionnels peuvent avoir du mal à communiquer et à planifier un projet global pour chaque enfant qu'ils suivent. C'est encore plus difficile quand l'enfant est pris en charge dans différentes structures et avec des professionnels libéraux. La généralisation est également un élément clé et chaque acquisition doit être travaillée dans tous les lieux, avec des personnes différentes. La communication et des lignes directrices communes sont essentielles pour amener de la cohérence au sein de l’équipe éducative, entre professionnels et parents.

Nous avons développé une application par et pour les professionnels du terrain, avec une base de données correspondant à leurs besoins. Un référent enregistre un enfant et invite les professionnels et les parents dans l'équipe éducative.

Sur la base de recherches scientifiques et d'études sur toutes les méthodes d’accompagnement (scolaires, parascolaires et spécialisées), nous avons créé une base de données organisée par compétences, contenant des activités. Ces activités sont hiérarchisées, selon l’échelle du développement psychomoteur des enfants, de Brunet-Lézine, révisée par Josse. En confrontant cette échelle à d'autres travaux sur le développement normal, tels que celui sur le développement cognitif de De Broca, le développement psychomoteur de Rivière, ou le développement sensorimoteur de Bullinger et de Vaivre-Douret, des liens ont été établis entre toutes les activités au sein de compétences différentes. Chaque activité peut être un prérequis, une condition préalable, à l'une ou plusieurs autres activités. Par conséquent, nous avons pu obtenir une modélisation hiérarchique du développement normal des enfants.

Avec l'Intelligence Artificielle et la théorie des graphes, nous avons travaillé sur un questionnaire s'appuyant sur cette nouvelle base de données. Le référent, avec l'équipe éducative, évalue le niveau d'acquisition de toutes les activités, en remplissant un questionnaire ; chaque activité est évaluée comme n'étant pas acquise, en régression, émergente, acquise ou non évaluée. L'IA place ensuite l'enfant sur l'échelle du développement et propose une liste d'activités détaillées et appropriées à travailler avec lui, vers des objectifs. Ces objectifs sont les clés pour accéder à d'autres compétences et les développer davantage.

La création de ce parcours requiert les compétences et les connaissances de chaque intervenant, pour réunir l’ensemble des informations nécessaires et correspondre au plus près aux besoins du patient. Un ajustement des activités est possible par l’équipe, en observant et échangeant sur les progrès de l’enfant en temps réel, depuis l’outil, pour co-décider du travail à mettre en place.

Références :

De Broca, A. (2017). Le développement de l’enfant : Du normal aux principaux troubles du développement, 6ème édition. Paris : Elsevier Masson.

Bullinger, A. (2013). Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars. Toulouse : Eres.

Josse, D. (2001). Brunet-Lézine Révisé : Echelle de développement psychomoteur de la première enfance. Paris : Editions et Applications Psychologiques.

Rivière, J. and al. (2000). Le développement psychomoteur du jeune enfant. Idées neuves et approches actuelles. Marseille : Editions Solal.

Vaivre-Douret, L. (1997). Précis théorique et pratique du développement moteur du jeune enfant. Paris : Elsevier Masson.

Lévy, P. (1994). L’Intelligence collective : Pour une anthropologie du cyberspace. Paris : la Découverte.

 

 

Les défis actuels de la détection automatisée des expressions faciales dans le domaine de la santé et du bien-être


Audrey MASSON
Psychologue clinicienne et ingénieure de recherche, Two-I SAS (Metz)

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Depuis plusieurs décennies maintenant, l'analyse automatisée des expressions faciales est un champ de recherche multidisciplinaire et florissant, dont les applications sont très larges:

  • analyse émotionnelle de masse (humeur générale d'une population, niveau de bien-être généré par une installation ludique ou touristique, etc.);
  • sécurité (risques d'agression dans un stade ou les transports en commun, détection des conducteurs somnolents, etc.);
  • santé (détection de la douleur, aide au diagnostic médical, télémédecine);
  • santé mentale (accompagnement des personnes atteintes de troubles de la communication ou de troubles anxieux).

Dans le domaine de la santé et du bien-être, l'émergence de l'intelligence artificielle favorise une prise en charge de plus en plus efficiente et individualisée des personnes en permettant un accès plus facile aux données et donc une meilleure communication entre les acteurs, une optimisation du temps et une évaluation en temps réel, permettant d'adapter en continu la prise en charge ou les interventions.

Grâce à l'évolution des techniques, notamment avec la généralisation des réseaux de convolution et des autres approches deep learning, les progrès dans ce domaine sont constants mais beaucoup reste à faire.
Il paraissait donc important de faire un état des lieux général des différentes lignes de recherche, et de présenter une synthèse des résultats récents dans ce domaine.

Pour ce faire, nous avons procédé à une revue systématique de la littérature selon les lignes directrices de la méthode PRISMA. Une recherche sur 13 bases de données documentaires a permis d'identifier un total de 220 références sur la période 2014 – 2019. Après une présentation globale des systèmes actuels et de leurs performances, nous avons regroupé et analysé les articles sélectionnés à la lumière des principales problématiques rencontrées dans le champ de la reconnaissance automatisée des expressions faciales.
La conclusion de cette revue met en lumière les forces, les limitations et les principales orientations que devront prendre les recherches futures dans ce domaine.

Références :

Chen, Z., Ansari, R., & Wilkie, D. (2018). Automated Pain Detection from Facial Expressions using FACS : A Review. arXiv:1811.07988 [cs, eess, stat]. http://arxiv.org/abs/1811.07988

Ekundayo, O., & Viriri, S. (2019). Facial Expression Recognition : A Review of Methods, Performances and Limitations. 2019 Conference on Information Communications Technology and Society (ICTAS), 1-6.  https://doi.org/10.1109/ICTAS.2019.8703619

Jameel, R., Singhal, A., & Bansal, A. (2016). A comprehensive study on Facial Expressions Recognition Techniques. 2016 6th International Conference - Cloud System and Big Data Engineering (Confluence), 478-483. https://doi.org/10.1109/CONFLUENCE.2016.7508167

Scarantino, A (2017). How to Do Things with Emotional Expressions: The Theory of Affective Pragmatics. Psychological Inquiry, 28(2-3), 165-185.

Stratou, G., & Morency, L.-P. (2017). MultiSense—Context-Aware Nonverbal Behavior Analysis Framework : A Psychological Distress Use Case. IEEE Transactions on Affective Computing, 8(2), 190-203. https://doi.org/10.1109/TAFFC.2016.2614300

 

Navi Blind : un dispositif auditif d'assistance aux déplacements pour les personnes déficientes visuelle


Nathalie DAGORN,
est professeur associée à ICN Business School Nancy

Jesus ZEGARRA FLORES,
chef de projets de recherche E-santé dans le Département de Recherche Medic@ chez Altran

Audrey LEONG-HOÏ
chef de projets de recherche E-santé dans le Département Recherche Medic@ chez Altran

Guillaume MORISSE
étudiant de 2ème année à l’école des Mines de Nancy

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Cette contribution présente le travail réalisé par cinq étudiants en avant-dernière année de Master à ICN Business School et Mines Nancy (Morisse et al., 2019) dans le cadre de l’atelier Artem « Management des Technologies Innovantes » en partenariat avec le groupe Altran. L’innovation technologique décrite n’a pu être conçue que par la mise en commun des savoirs (« intelligence collective ») de ces étudiants ingénieurs et managers.

Identification du problème
Les personnes déficientes visuelles peuvent rencontrer de nombreuses difficultés dans la vie courante, notamment lors des déplacements. Les solutions traditionnelles reposent sur des aides humaines ou animales, ou encore sur la mémorisation. Diverses aides technologiques ont également été proposées (canne blanche vibrante, tablette retranscrivant en braille les informations, lunettes de reconnaissance de texte/personnes avec lecture à haute voix…). Microsoft a lancé en 2014 une oreillette connectée se servant du signal GPS et transmettant les indications au porteur par conduction osseuse. Mais les technologies de navigation peinent à être intégrées dans les dispositifs pour déficients visuels. En effet, la géolocalisation extérieure par GPS reste trop imprécise en environnement urbain (interférences, rebonds…) (Zegarra Flores et al., 2016). La géolocalisation intérieure utilise généralement les technologies Wi-Fi, Bluetooth ou Ultra Wide Band qui requièrent d’équiper les bâtiments de points d’accès (Zegarra Flores et Farcy, 2014).

Notre proposition
Nous souhaitons utiliser une oreillette garantissant une bonne qualité sonore mais très peu isolante pour ne pas nuire à l’interaction auditive entre le porteur et son environnement (Figure 1). Cette oreillette sera accompagnée d’un boitier de rangement-chargeur afin d’augmenter l’autonomie totale en déplacement et connectée par Bluetooth au smartphone de l’utilisateur. Lors de la mise en place de l’oreillette, l’application démarrera automatiquement : par dictée vocale, l’utilisateur pourra programmer un trajet ou demander des informations à tout moment sans manipuler le smartphone ou l’application.

La navigation s’appuie sur deux briques technologiques développées par Altran :

  • Navi Campus: en mode extérieur, l’utilisateur est guidé à partir des informations du système GPS, de la boussole de son smartphone et de points relais virtuels définis sur une carte (Zegarra Flores et al., 2017) ;
  • Geo Indoor: en mode intérieur, la navigation s’effectue à partir d´une fusion de données issues de la centrale inertielle (accéléromètre) et de la boussole du smartphone, de la force des signaux d’un nombre minimal de bornes Bluetooth sur le lieu, sur la base de trajets préalablement enregistrés (Zegarra Flores et al., 2019).

Navi Blind prolonge ces travaux en apportant deux améliorations :

  • l’exploitation de la couverture Wi-Fi aux abords des bâtiments (jusqu’à cinquante mètres à peu près), qui permettrait l’extension de la navigation intérieure à la quasi-totalité de l’espace piéton urbain voire à l’échelle d’une ville ;
  • le développement participatif de la cartographie des villes et des bâtiments par crowdsourcing : toutes les personnes ayant téléchargé l’application mobile pourront contribuer, permettant son actualisation constante et le signalement des obstacles/dangers en temps réel. Plus les utilisateurs seront nombreux, plus l’application sera précise et fiable, et plus elle sera attractive en retour.

 

Références :

Morisse, G., Belkadi, S., Ben Khaled, A., Drouot, C. et Ouadira, S. (2019), « Projet Navi Blind : Dispositif auditif d’assistance pour malvoyants », Rapport, Atelier Artem Management des technologies innovantes, ICN Business School et École des Mines de Nancy, décembre 2019.

Zegarra Flores, J. et Farcy, R. (2014), Indoor Navigation System for the Visually Impaired Using One Inertial Measurement Unit (IMU) and Barometer to Guide in the Subway Stations and Commercial Centers”. In: Miesenberger, K., Fels, D., Archambault, D., Peňáz, P., Zagler, W. (eds), Computers Helping People with Special Needs (ICCHP 2014). Lecture Notes in Computer Science, vol. 8547, pp. 411-418, Springer, Cham, https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-08596-8_63.

Zegarra Flores, J., Huang, H., Verton, T., Boutros, L.J., Radoux, J.-P. et Breda, G. (2019), « “Geo-Indoor” Design of An Indoor Navigation App to Help Elderly People to Navigate in Buildings », Journées d’Étude sur la TéléSanté, Sorbonne Universités, Paris, 23-24 mai 2019, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02161109/document.

Zegarra Flores, J., Pereme, F., Dominique, M., Radoux, J.-P. et Rasseneur, L. (2017), « Navi Campus: An Enhanced GPS Navigation App for University Campuses », 12th Intelligent Transport Systems European Congress, Strasbourg, 19-22 juin 2017.

Zegarra Flores, J., Rasseneur, L., Gass C. et Farcy, R. (2016), “Navi Rando”. In: Miesenberger, K., Bühler, C., Peňáz, P. (eds), Computers Helping People with Special Needs (ICCHP 2016). Lecture Notes in Computer Science, vol. 9759, pp. 16-22, Springer, Cham, https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-41267-2_3.

 

Télépsychologie et pratique clinique : enjeux méthodologiques et déontologiques


Haddouk Lise
MCF-HDR - CRFDP - Université Rouen-Normandie

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La cyberpsychologie est une discipline émergente et au cœur d’enjeux très actuels de santé publique. Ainsi, dans le champ de la télémédecine, la téléconsultation est depuis peu reconnue comme un acte médical par la Haute Autorité de Santé et elle est prise en charge par les organismes de soins, sans qu’aucune situation clinique ne soit exclue a priori[1].

Dans le contexte social actuel et parmi les pratiques cliniques en cyberpsychologie, la télépsychologie se développe et se définit comme la prestation de services psychologiques à l’aide des télécommunications[2]. Différents types de suivis psychothérapeutiques peuvent être proposés à distance, via différents moyens technologiques tel que le téléphone, le chat, les SMS ou la vidéoconférence.

Ces nouveaux aménagements du cadre psychothérapeutique visent notamment à favoriser une plus grande accessibilité à une écoute psychologique, dans des situations où elle peut être rendue difficile pour des motifs variables (isolement géographique, problème de mobilité,…). Mais bien que l’accès aux outils technologiques se développe et que les supports en ligne permettant la mise en relation d’un patient avec un psychologue se multiplient, les repères méthodologiques et déontologiques relatifs à ce type de pratiques demeurent encore assez flous en France et au niveau européen.

Notre expérience de recherche sur la visioconsultation a mené à une réflexion autour du cadre du suivi à distance, mêlant des aspects technologiques, méthodologiques et cliniques en psychologie. La création d’une plateforme en ligne proposant une adaptation du cadre de l’entretien clinique en face à face [1] a constitué une étape importante de notre recherche. Ce processus a permis de réinterroger les principes fondateurs de l’entretien clinique  à l’ère de la cyberculture [2]. 

Nos résultats ont souligné certaines similitudes possibles dans les interactions lors des entretiens cliniques à distance en vidéoconférence et en face à face, mais également certaines spécificités relatives à ce cadre nouveau, qui semblent mériter une analyse particulière [3].

Au-delà de la réflexion sur le dispositif utilisé en télépsychothérapie, la mise à l’épreuve de l’outil dans les situations cliniques a constitué une étape consécutive nécessaire. Des questions méthodologiques concernant notamment les indications et les contre-indications en terme de problématique psychopathologiques pour des suivis en télépsychothérapie ont été travaillées. D’autres questions, relatives à l’analyse de la qualité des interactions en télépsychothérapie nous a mené à réfléchir sur l’élaboration d’outils d’observations spécifiques. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur le concept d’intersubjectivité, mis en lien avec le niveau de téléprésence observable au cours des interactions. Nous avons comparé cette dimension dans différents cadres de prise en charge en télépsychothérapie, au niveau international. Nos résultats nous ont mené à observer les phénomènes liés à l’acceptance du dispositif technologique en télépsychologie [4]. 

Le développement de nouvelles pratiques de santé à l’ère de la cyberculture s’accompagne donc d’une réflexion méthodologique et déontologique sur les usages des outils numériques. Cette réflexion est collective, notamment dans les collaborations engagées avec la FFPP[3] et le Project group E-santé de l’EFPA[4].

Références :

 

Chiland, C. (dir.), (1983). L’entretien clinique. Paris, France : Presses Universitaires de France.

Lévy, P. (1997). Cyberculture. Paris, France : Odile Jacob.

Haddouk, L. (2016). L'entretien clinique à distance. Manuel de visioconsultation. Paris, France : Cybercultures, Erès. ISBN: 9782749252520

Haddouk, L., Bouchard, S., Brivio, E., Galimberti, C. et Trognon, A. (2018). Assessing presence in videconference telepsychotherapies: A complementary qualitative study on breaks in telepresence and intersubjectivity co-construction processes. Annual Review of CyberTherapy and Telemedecine. 16, 118-123. (PubMed, PsycINFO, SCImago) DOI : 10.1037/1528-3542.6.3.383.

 

[1] https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2845190/fr/teleconsultation-et-teleexpertise-aucune-situation-clinique-exclue-a-priori

[2]https://www.ordrepsy.qc.ca/documents/26707/63191/Guide+de+pratique+concernant+l%E2%80%99exercice+de+la+t%C3%A9l%C3%A9psychologie/5175fd35-d45b-4cbe-99e3-e46ff5079552

[3] Fédération Française des Psychologues et de Psychologie.

[4] European Federation of Psychologists’ Associations.