L’intelligence collective : au-delà des discours
Congrès International
Nancy, 28-29 Avril 2020
Apport des RPPP et de l’engagement dans le changement des attitudes éco-responsables
Romain Lebreuilly, MCU à l'Université de Lorraine - Laboratoire Interpsy - Groupe GRC Victor Balliet Etudiant en Master de psychologie
L’étude consiste en l’évaluation de la modification de l’attitude sur les comportements, influencée ou non par un protocole SMS avec ou sans prêt de capteurs à microparticules et une formation. D’après Nicolosi et Corbett (2017) il serait possible de motiver plus de 74% des participants à agir sur leur environnement écologiquement via une communication engageante.
Les participants sont divisés en 3 groupes de 40, chaque participant étant réparti dans un groupe de façon aléatoire : groupe témoin, groupe formation et groupe formation + capteurs AirBeam. Ce capteur permet de mesurer la qualité d’air et de visualiser sur un smartphone une cartographie de la pollution. Les participants pouvaient suivre la formation via des supports vidéo. L’évolution des comportements sera mesurée 4 fois par les réponses à un questionnaire en ligne sur une durée de 6 mois . Il s’agit d’observer l’évolution des comportements, soit avec formation + protocole SMS, soit à la formation + protocole SMS + prêt d’un capteur. Le protocole SMS consiste en l’envoi d’un SMS chaque matin pendant 20 jours afin d’engager les participants dans le changement de comportement, se référant à la théorie des habitudes de Maltz (1960). Ces SMS sont basés sur des pensées positives engageantes (Alsaleh et Lebreuilly, 2018). Ils constituent des renforcements qui valorisent les comportements et engage individuellement et collectivement à agir pour leur bien-être. Ces sms vise également à développer l’intelligence collective du groupe afin de renforcer l’engagement et transformer le collectif vers des actions plus positives pour la qualité de l’air de l’ensemble du groupe.
Les résultats sont encourageants, nous pouvons commencer à constater des évolutions significatives notamment pour le groupe formation. De plus, nous remarquons un lien entre l’utilisation du capteur et l’évolution positive des comportements.
Les avantages économiques, écologiques et organisationnels d’une transition facilitée par le simple suivi d’une formation par rapport aux capteurs seraient considérables, si les résultats suggèrent une mise en place à grande échelle de cette expérience. L’aspect collectif et le soutien des RPPP porteraient quant à eux le côté facilitateur de cette transition. Cette étude vise à comprendre comment accompagner une transition dans une société en crise écologique et de difficultés économiques générant des nécessités de changement des comportements anticipés ou contraintes.
Reference :
Alsaleh, M., Lebreuilly, R., Tostain, M., & Lebreuilly, J. (2018). La puissance des répétitions des phrases des pensées positives (RPPP): un outil efficace de traitement contre les troubles psychologiques (dépression, anxiété et stress). Une étude pilote contrôlée et randomisée. In Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique (Vol. 176, No. 5, pp. 438-447). Elsevier Masson.
Maltz, M. (1960). Psycho-Cybernetics A New Technique for Using Your Subconscious Power. Englewood Cliff.
Nicolosi, E., & Corbett, J.B. (2017). Engagement with climate change and the environment: A review of the role of relationships to place. Local Environment. (Published Online 10/12/17) https://doi.org/10.1080/13549839.2017.1385002
CADRE, Campus Artem Durable et Responsable
Christine Morin-Esteves
ICN Business School
Le nouveau dispositif CADRE, Campus Artem Durable et Responsable, est une illustration de l’exercice de l’intelligence collective alliant des enjeux pédagogiques et organisationnels.
ICN Business School développe depuis plusieurs années une politique engagée en faveur du développement durable et de la responsabilité sociétale (DD/RS). L’installation récente d’ICN sur le Campus Artem (2017) et l’obtention du label Engagé RSE (juin 2018) l’ont amené à proposer de développer ces pratiques responsables en partenariat avec les écoles de l’Alliance et également avec les autres composantes du Campus.
C’est ainsi que le dispositif CADRE est né en partenariat avec l’Université de Lorraine, avec le soutien de la Métropole du Grand Nancy au printemps 2019.
Un comité de pilotage s’est réuni en juillet 2019 et s’est donné pour ambition de faire du campus Artem un lieu exemplaire en matière d’impacts positifs sur l’environnement et les êtres vivants en :
- Ecrivant une stratégie RSE à l’échelle du campus,
- Disséminant les pratiques responsables dans l’ensemble des composantes du campus Artem en débutant par le pilier Environnement,
- Devenant un campus modèle sur le plan national inséré dans la feuille de route de la ville de Nancy sur la transition écologique,
- Obtenant le label Engagé RSE en 2025.
Ce comité de pilotage comprend un-e référent-e pour chacune des composantes (une petite dizaine), la chargée de mission DD/RS de l’Université de Lorraine, des représentants de la Métropole, un-e représentant-e du conseil citoyen du quartier, des enseignants et des étudiants.
Pour la première année de fonctionnement, le comité de pilotage s’est donné 4 grandes missions. Toutes ces actions sont pilotées par des enseignants au sein de 3 ateliers Artem (Environnement et Développement Durable, Dynamiques territoriales et ville du futur et Le Manager CréActif) avec des étudiants issus des écoles de l’Alliance :
- La gestion des déchets et plus particulièrement sur le Restaurant Universitaire (en partenariat avec le CROUS). L’objectif est la mise en place d’une gestion responsable des déchets et un Campus Zéro déchet d’ici 3 ans.
- La consommation d’énergie. L’objectif est d’établir un bilan carbone du campus durant le printemps 2020 et de devenir un Campus Zéro Carbone dans 5 ans.
- La mobilité en lien avec le quartier et ses habitants. L’objectif est pour cette année la réalisation d’un schéma de préfiguration d’un Plan de Déplacement Inter Etablissements à l’échelle du campus Artem et l’écriture d’un PDIE d’ici 3 ans
- La diversité et l’égalité des chances. L’objectif est de mutualiser des événements répondant à des problématiques partagées par les composantes afin de sensibiliser les personnels et les étudiants (lutte contre le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie, …).
Ces collaborations multiples et variées révèlent une volonté de répondre à la fois à des objectifs de formation et d’éveil des étudiants aux problématiques sociétales d’aujourd’hui et de demain et à des objectifs organisationnels liés au développement du campus.
C’est bien cette intelligence collective caractérisée par la complémentarité des profils des étudiants et le croisement des disciplines qui peut apporter les réponses aux enjeux sociétaux et environnementaux d'aujourd'hui et de demain.
Références :
Attour, A., & Rallet, A. (2014). Le rôle des territoires dans le développement des systèmes trans-sectoriels d'innovation locaux: le cas des smart cities. Innovations, 1(43), 253-279.
Déprez, P. (2014). Collectivités territoriales et développement durable: contribution des technologies de l'information, et de la communication, à la dimension participative d'une politique publique (Doctoral dissertation, Université de Toulon).
Engin, Z., van Dijk, J., Lan, T., Longley, P. A., Treleaven, P., Batty, M., & Penn, A. (2019). Datadriven urban management: Mapping the landscape. Journal of Urban Management.
https://doi.org/10.1016/j.jum.2019.12.001.
L’Herminier, S., (2015). Tu seras un manager responsable mon fils. Intégrer la RSE dans
l’enseignement supérieur. Editions Yves Michel.
REFEDD (2019). Economie circulaire et zéro déchet. Vers un campus responsable.
L’impact de la blockchain sur le développement durable et la transition écologique
Nathalie Dagorn
professeur associée à ICN Business School Nancy
Warren Aoummeur
étudiant en 3ème année à ICN Business School Berlin
En septembre 2015, les représentants des États membres des Nations unies se réunissent. Une résolution ambitieuse est prise : développer notre monde de manière plus durable à l’horizon 2030. Dix-sept objectifs de développement durable (ODD) sont fixés. L’un des points centraux est de trouver de nouvelles façons d'organiser nos sociétés et nos économies. Les technologies digitales sont un moyen d’y parvenir. Cette communication se focalise sur la chaîne de blocs ou blockchain, une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, distribuée entre ses différents utilisateurs et fonctionnant sans organe central de contrôle. La blockchain trouve aujourd’hui des applications dans de nombreux domaines, par exemple dans les chaînes d’approvisionnement (mondiales) où elle (ré-) instaure la confiance entre partenaires et réduit les asymétries de pouvoir. Néanmoins, elle souffre de certains amalgames quant à son empreinte écologique.
L’exemple le plus décrié est certainement celui de la cryptomonnaie bitcoin. En 2008, Satoshi Nakamoto s’attaquait à la sphère financière en créant le bitcoin. La blockchain bitcoin est fondée sur plusieurs technologies dont l'horodatage des transactions, les réseaux de pair-à-pair (P2P), la cryptographie, la puissance de calcul partagée ainsi qu'un nouvel algorithme de consensus. Mais le bitcoin est extrêmement gourmand en énergie. L'indice CBECI[i] estime la consommation d'électricité du réseau mondial bitcoin à ~64 TWh/an (i.e., plus que la consommation de la Suisse ~58 TWh/an). Ceci est principalement dû au fait que l'algorithme de preuve de travail (Proof-of-Work ou PoW) utilise une méthode de recherche exhaustive qui consiste à essayer toutes les permutations possibles jusqu'à l’obtention de la bonne réponse (Aste, 2016). Les blockchains peuvent faire appel à d’autres mécanismes de consensus requérant moins d’énergie, par exemple la preuve de participation (Proof-of-Stake ou PoS) (Giungato et al., 2017)[ii].
La blockchain est aussi critiquée dans le cadre plus large du développement des technologies digitales. En effet, certains auteurs prévoient que « D’ici 2040, les besoins en espace de stockage au niveau mondial, fondamentalement corrélés au développement du numérique et de l’IA, risquent d’excéder la production disponible globale de silicium. » (Villani, 2018 p.19). « D’ici 2040, l’énergie requise pour les besoins en calcul devrait dépasser la production énergétique mondiale. Les progrès de la blockchain pourraient également faire exploser nos besoins énergétiques. » (Victor, 2019 s.p.). Mais les analyses économiques récentes, en particulier portant sur l’IA et la blockchain, montrent que l’empreinte écologique de ces technologies, quoiqu’importante, est dérisoire comparée aux opportunités qu’elles offrent dans de nombreux secteurs d’activité –notamment l’énergie– en faveur de la transition écologique et que, sans elles, cette dernière ne serait probablement pas possible.
La blockchain peut donc aider à construire une économie circulaire et responsable (Aoummeur, 2020). Des projets pilotes ont démontré la viabilité et les avantages de l’utilisation de cette technologie pour le bien public, et de nombreuses startups ont saisi l’opportunité d’allier blockchain et écologie (par exemple, Brooklyn Microgrid est une approche communautaire de la blockchain fondée sur le concept de réseau d'énergie communale[iii] ; The Sun Exchange est un financement P2P d'installations solaires photovoltaïques en échange de revenus destinées à des projets en Afrique australe[iv] ; etc.) Il demeure que la blockchain doit encore évoluer pour améliorer son empreinte carbone…
Références :
Aoummeur, W. (2020), “Decentralized Technology: Economic Power and Sustainable Development”, Mémoire de fin d’études, ICN Business School (en cours).
Aste, T. (2016), “The fair cost of bitcoin proof of work”, SSRN Electronic Journal, June, 3 p.
Giungato, P., Rana, R., Tarabella, A. & Tricase, C. (2017), “Current trends in sustainability of Bitcoins and related blockchain technology”, Sustainability, vol. 9, n° 12, 11 p.
Victor, C. (2019), Le monde qui vient –ou comment reprendre le contrôle sur les technologies, Plon, Paris.
Villani, C. (2018), “Donner un sens à l’intelligence artificielle : Pour une stratégie nationale et européenne”, Ministère de lʼEnseignement supérieur, de la Recherche et de lʼInnovation, Paris, https://www.aiforhumanity.fr/pdfs/9782111457089_Rapport_Villani_accessible.pdf.
[i] Cambridge Bitcoin Electricity Consumption Index, https://www.cbeci.org.
[ii] D’autres technologies peuvent être associées, telles que le « réseau éclair » (Lightning Network), une couche secondaire du protocole bitcoin qui permet d'améliorer la capacité de montée en charge du réseau. De plus, les machines réalisant le minage sont aujourd'hui 2,5 fois plus efficaces que la génération précédente.
[iii] Des panneaux solaires installés sur les toits de bâtiments résidentiels produisent de l’électricité dont le surplus est revendu aux voisins, https://www.brooklyn.energy.
[iv] https://thesunexchange.com.
Pollin’air : un réseau de citoyens au service des allergiques
M. Grégori (1), D. Rozenfarb (1), J.P. Schmitt (1), C. Pallarès (1), F. Pautz (2), K. Astafieff (2), K. Benkhelifa (2), G. Seznec (2), T. Mahevas (2), C. Wilcke (3), M. Bonnefoy (4), E. Gardeur (4), N. Honoré (4), S. Moniot (5), A. Jonquières (6), M. Boulangé (7), G. Kanny (7), (1) Atmo Grand Est, 20 allée de Longchamp, 54600 Villers-lès-Nancy ; (2) Jardin Botanique J-M. PELT, 100 rue du Jardin botanique, 54600 Villers-lès-Nancy ; (3) Union Régionale des Professionnels de Santé Pharmaciens Grand Est, 54000 Nancy ; (4) ORS Grand Est, 2 rue Doyen Parisot, 54500 Vandœuvre-lès-Nancy, France ; (5) ARS Grand Est, 3 boulevard Joffre, 54000 Nancy ; (6) Correspondante de l'AFPRAL pour la Région Grand-Est ; (7) Laboratoire d’Hydrologie et Climatologie Médicales, Faculté de Médecine, 9 rue de la Forêt de Haye, 54505 Vandœuvre-lès-Nancy, France.
L’allergie au pollen représente un défi de santé publique : 1 français sur 4 est concerné (1). Prévenir dès le début de la pollinisation des espèces à risque permet aux allergiques d’anticiper les symptômes et de mieux se protéger. Afin de disposer d’une information géolocalisée et en temps réel (2), le réseau citoyen « Pollin’air » a été déployé en juillet 2016 par l’Association Agréée de Surveillance de la Qualité de l’Air (ATMO Grand Est), l’Observatoire Régional de la Santé (ORS) Grand Est, le laboratoire d’hydrologie et climatologie médicales de la faculté de médecine de Nancy, le jardin botanique Jean-Marie Pelt (Villers-lès-Nancy), l’Agence Régionale de Santé (ARS) Grand Est, l’Union Régionale des Professionnels de Santé Pharmaciens (URPS) Grand Est, l’Association Française pour la Prévention des Allergies (AFPRAL) et la Métropole du Grand Nancy (3). Ce projet s’est développé grâce à l’expertise académique et des professionnels. Il a été soutenu dans le cadre du Plan Régional Santé Environnement 3 et les Contrats Locaux de Santé.
Les sentinelles observent la pollinisation de 25 plantes. Les informations sont disponibles sur le site www.pollinair.fr et relayées en temps réel, de façon géolocalisée et personnalisée aux abonnés.
Les données précoces permettent aux allergiques d’être acteurs de leur santé en adaptant leurs comportements, et aux professionnels de santé d’ajuster leurs stratégies diagnostiques et thérapeutiques. Chacun participe en fonction de son intérêt et de ses compétences. Les éléments-clés sont l’altruisme, la solidarité, le partage de connaissances et d’expériences (4). Les sentinelles créent un maillage territorial de production de données, de connaissances et d’apprentissage. La plupart des observateurs participent sans être concernés personnellement par les allergies aux pollens, 90% sont botanistes amateurs. La qualité des données est attestée par le faible taux d’erreurs (2/480). La donnée de santé est créée par tous, pour tous. La recherche a permis une co-formation des acteurs : la sentinelle appréhende la dimension allergique des espèces et les abonnés s’initient à la botanique. Le lien social et une dynamique interactive sont favorisés par des rencontres dédiées au grand public, aux professionnels (santé, environnement, espaces verts…), et des sessions de formation à la reconnaissance botanique (6). Les actions s’inscrivent dans une dimension intergénérationnelle avec la participation des résidents d’EHPAD et des écoliers dans le cadre de projets pédagogiques.
Pollin’air, par sa structure interdisciplinaire, permet de dépasser le fonctionnement en silo pour faire face aux enjeux d’une maladie environnementale émergente. Le maintien et l’amplification de la dynamique collective initiée par le réseau est essentielle.
Reference :
Exposition de la population générale aux pollens de l’air ambiant : l’Anses fait le point | Anses - Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail [Internet]. [cité 15 févr 2020]. Disponible sur: https://www.anses.fr/fr/content/exposition-de-la-population-g%C3%A9n%C3%A9rale-aux-pollens-de-l%E2%80%99air-ambiant-l%E2%80%99anses-fait-le-point
Grégori M, Benkhelifa K, Pautz F, Schmitt J-P, Bonnefoy M, Gardeur E, et al. Les enseignements de la veille phénologique. Rev Fr Allergol. 2019;59:514‑23.
Grégori M, Schmitt JP, Pallarès C, Rozenfarb D, Pautz F, Astafieff K, et al. Pollin’air : un réseau de citoyens au service des personnes allergiques. Rev Fr Allergol. 2019;59:533‑42.
Julliard R. Vigie Nature, un réseau de citoyens qui fait avancer la science. Pour. 2014;223(3):53.
Besancenot J-P, Sindt C, Thibaudon M. Pollen et changement climatique. Bouleau et graminées en France métropolitaine. Rev Fr Allergol. 1 déc 2019;59(8):563‑75.
Millot G, Neubauer C, Storup B. La recherche participative comme mode de production de savoirs. Un état des lieux des pratiques en France [Internet]. Fondation Sciences Citoyennes. 2012 [cité 15 févr 2020]. Disponible sur: https://sciencescitoyennes.org/wp-content/uploads/2013/05/FSC-recherche_participative-FdF.pdf
Transition écologique et usage des sols : vers un modèle polycentré basé sur l’intelligence collective
Marie-Pierre PHILIPPE-DUSSINE Maître de Conférences en Sciences Economiques. Université de Lorraine. CEREFIGE
L'affectation des sols est un aspect majeur de la transition écologique, tant elle conditionne le développement des services écosystémiques, ces bénéfices naturellement offerts à l’Homme par les écosystèmes. Parmi eux, l'alimentation des nappes phréatiques, le stockage de carbone ou l’approvisionnement en énergies renouvelables, qu’il soit relié à la biomasse, au vent ou à l’ensoleillement, sont en effet très fortement déterminés par l’usage des sols (Ademe, 2018).
Pour encourager certains usages, de nombreuses mesures publiques ont été prises, en particulier par la PAC qui reconnaît depuis 1992, par ses aides directes versées à l'agriculture, le rôle que ce secteur peut jouer dans le développement durable des territoires. Mais l'impact de ces aides sur le développement des services écosystémiques s’avère aujourd'hui nuancé (Dussine, 2109) et pose la question d’une alternative possible aux seules mesures publiques pour conduire la transition écologique.
La recherche d’énergies renouvelables d’origine agricole, comme d’autres services écosystémiques, implique en effet des externalités dont les coûts et les bénéfices, sociaux et individuels, peuvent être très différents. Parallèlement, les choix d’affectation des sols dépendent également de nombreux facteurs déterminant les revenus individuels, en particulier le prix des terres et des matières premières.
Entre des intérêts particuliers animés par d’incontournables droits de propriété et des structures publiques peinant à enclencher le changement, il semble essentiel d'ouvrir une troisième voie. Au-delà d'informer sur les coûts et les bénéfices de long terme des différents comportements, il s'agit en effet de mettre en action tous les niveaux d'acteurs, publics et privés, ménages, entreprises et administrations, dans un système coopératif "complexe" (Keohane et Victor, 2011).
Mais dans un environnement montrant tant de défaillances de marché (asymétrie d'information, externalités...), comment mobiliser efficacement une telle diversité d'intérêts, pour concevoir un usage de la nature et du bâti résolument durable ?
Pour tenter de répondre à cette problématique, cet article s’appuie sur la Nouvelle Economie Institutionnelle, et en particulier sur les travaux d’E. Ostrom (2009, 2014), pour esquisser un modèle économique polycentré et réactif, mais qui nécessite une indispensable intelligence collective.
Il s'agit alors de préciser les conditions de cette intelligence collective qui reste à construire, comme un bien collectif dans un modèle de gouvernance multiniveaux, impliquant tant les autorités publiques que les acteurs privés, pour accroître la responsabilité de chacun, dans une relation de réciprocité et de confiance institutionnelle.
Références :
ADEME, 2018, Agriculture et énergies renouvelables : contribution et opportunité pour les exploitations agricoles, rapport intermédiaire n°1.
Dussine M.P., 2019, "PAC et bioénergies : une analyse économétrique et institutionnelle", XXXVèmes Journées du développement de l'ATM, BETA et Université de Lorraine, mai.
Keohane R.O et Victor D.G , "The Regime Complex for Climate Change ", Perspectives on Politics , Vol. 9, n°1, pp. 7-23
Ostrom E., 2011, « Par-delà les marchés et les États, la gouvernance polycentrique des systèmes économiques complexes », Revue de l'OFCE, n°120, p. 16-72.
Ostrom E., 2014, "A Polycentric Approach for Coping Climate Change", Annals of Economics and Finance, vol.15, n°1, pp.97–134
Un drone agricole pour la télédétection et le traitement des maladies, organismes nuisibles et carences des cultures
Dr. Nathalie DAGORN, professeur associée à ICN Business School Nancy Dr. Audrey LEONG-HOÏ chef de projets de recherche E-santé dans le Département Recherche Medic@ chez Altran M. Gwendal KERJEAN étudiant en 2ème année à ICN Business School Nancy
Cette contribution présente le travail réalisé par quatre étudiants en avant dernière année de Master à ICN Business School Nancy (Kerjean et al., 2019) dans le cadre de l’atelier Artem « Management des Technologies Innovantes »[i], rassemblant des étudiants ingénieurs et managers (« intelligence collective »), en partenariat avec le groupe Altran[ii].
Identification du problème
Les maladies, les organismes nuisibles et les mauvaises herbes sont autant d’agresseurs susceptibles de menacer le développement des plantes et la qualité des cultures, générant des pertes financières pour les agriculteurs. Pour les contrer, ces derniers recourent toujours massivement à des pesticides –malgré leur interdiction– par manque d’alternatives.
Il est possible de vérifier l’état de santé d’une culture manuellement mais il est extrêmement compliqué de faire cela sur un espace important en peu de temps, sans abîmer les plantations ni étendre la propagation des maladies éventuelles. De nombreux projets sont donc menés depuis une dizaine d’années afin de détecter automatiquement les maladies des cultures.
L’agriculture de précision utilise depuis longtemps les smartphones et tablettes (Zheng et al., 2011). Des applications comme Di@gnoplant[iii] permettent d’identifier visuellement, par photo, la quasi-totalité des maladies connues sur divers types de cultures et conseillent les producteurs sur la démarche à suivre en cas d’infection. Des bases de données ont été constituées, comme Ephytia[iv] ou l’EPPO Global Database[v].
La télédétection par drone est apparue, embarquant d’abord un appareil photo, puis une caméra, puis une caméra multispectrale –utilisant jusqu’à cinq bandes spectrales– (Vimond, 2018). Aujourd’hui, l’imagerie hyperspectrale, dont la résolution spectrale plus élevée –plus de cent bandes spectrales– génère des données riches et exploitables par IA/apprentissage automatique, permet de détecter les maladies, les organismes nuisibles, les carences en éléments nutritifs et bien d’autres symptômes (Es-saady et al., 2017 ; Phot’Innov, 2019).
Notre proposition
De nombreuses avancées ont donc été réalisées pour diagnostiquer et traiter les problèmes des cultures, mais celles-ci demeurent isolées. Notre idée est de les mettre en relation. Il s’agira d’utiliser un drone équipé d’une caméra hyperspectrale pour scanner rapidement et précisément les terres cultivées. Les données seront transmises à une application dotée d’une IA qui les comparera à la base de données EPPO. Plusieurs applications de détection d’anomalies ont déjà été développées par Altran, par exemple « Finalcheck » pour la détection d’anomalies sur les objets produits par une chaîne de production. De plus, deux projets de recherche d’Altran, EMOS et ARMADA, traitent respectivement de l’amélioration d’acquisition d’images hyperspectrales et d’intégration de capteurs sur des drones ; ce savoir pourra donc être réutilisé ici. En fonction des résultats de l’analyse, l’application proposera une solution adaptée à l’exploitant. La zone infectée pourra éventuellement être traitée par le drone.
L’objectif du projet est de permettre à un exploitant agricole de diagnostiquer en autonomie l’état de ses cultures et de lui proposer, le cas échéant, un traitement adapté. L’exploitant pourra ainsi réduire son recours aux intrants, optimiser la gestion de ses cultures et assurer un meilleur rendement. Diverses extensions sont possibles, qui seront présentées lors de la conférence.
Références :
Es-saady, Y., El Massi, I., El Yassa, M., Mammass, D. et Benazoun, A. (2017), « Détection précoce des maladies des plantes par la technique d’imagerie hyperspectrale », 5ème édition Colloque Groupe Hyperspectral SFPT-GH 9, 11 mai 2017, Ifremer – Centre de Bretagne.
Kerjean, G., Bellevegue, Q., Martin, B. et Platat, J. (2019), « Le drone : un outil de diagnostic agricole », Rapport, Atelier Artem Management des technologies innovantes, ICN Business School, décembre 2019.
Phot’Innov (2019), « Caméra multispectrale vs hyperspectrale - Que choisir en agriculture de précision ? », 27/9/19, https://www.photinnov.com/post/caméra-multispectrale-vs-hyperspectrale-que-choisir-en-agriculture-de-précision.
Vimond, L. (2018), « Détecter les maladies par drone », Réussir – Machinisme, 26/9/18, https://www.reussir.fr/machinisme/detecter-les-maladies-par-drone?fbclid=IwAR0FWUEMZPFJcreh9S7Mn7hsFfiQmjhfYjPzb65PnDZus9y0ahqmIlHD05o.
Zheng, L., Li, M., Wu, C., Ye, H., Ji, H., Deng, X., Che, Y., Fu, C. et Guo, W. (2011), « Development of a smart mobile farming service system », Mathematical and Computer Modelling, 54 (3-4), 1194-1203.
[i] http://www.alliance-artem.fr/management-technologies-innovantes.html
[ii] https://www.altran.com/fr/fr/
[iii] http://ephytia.inra.fr/fr/CMS/74/Diagnoplant
[iv] http://ephytia.inra.fr/fr/Home/index