intelligence collective - Justice

L’intelligence collective : au-delà des discours

 

Intelligence collective en droit des sociétés : vers une gouvernance d’entreprise plus responsable ?


Mariia Domina Repiquet
ATER en droit privé, IAE Nancy, Université de Lorraine Docteure en droit des affaires, Université de Strasbourg

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L’intelligence collective désigne la force du pouvoir collectif. Tel qu’elle est appliquée en droit des sociétés, cela signifie que les associés, dans leur ensemble, ont la possibilité de promouvoir la meilleure gestion de l’entreprise, qui sera bénéfique à la fois pour eux-mêmes et pour la société dans le sens plus large. Il s’agit ici plus précisément de la gouvernance d’entreprise, qui inclut la prise des décisions par les associés, le contrôle d’un dirigeant et les sanctions prises par les associés contre ce dernier. Ce mécanisme du droit des sociétés est appliqué dans presque chaque forme sociétaire, peu importe s’il s’agit d’une entreprise de métallurgie ou d’une grande banque d’investissement.

L’objectif de cet exposé est ainsi de s’intéresser à la problématique suivante. Est-ce que le pouvoir collectif des associés peut favoriser la gestion plus responsable ? Les moyens dont les associés disposent, sont-ils suffisants pour assurer une gestion sociétaire adéquate ? A-t-il des limites à cette intelligence collective en droit des sociétés ?

En premier lieu, nous nous intéressons à la gouvernance d’entreprise en tant que pouvoir collectif de tous les associés. La participation aux réunions, la possibilité de superviser et sanctionner le conduit négligent d’un dirigeant de société, voila les axes clés sur lesquels nous allons nous pencher. La comparaison entre le droit anglais et français en la matière permettra d’établir le périmètre de l’intelligence collective en droit des sociétés.

En deuxième lieu, nous développons une réflexion quant aux limites de l’intelligence collective. Les poursuites judiciaires entreprises envers le dirigeant, aboutissent-elles toujours ? L’action en concert de quelques associés, peut-elle nuire aux intérêts d’autres associés ? Par la suite, nous développons quelques propositions sur la façon de repenser le mécanisme de l’action collective en droit des sociétés.

Reference :

COZIAN M., Droit des sociétés, 2019, LexisNexis

DONDERO B., Droit des sociétés, 2019, Dalloz

HUDSON A., Understanding Company Law, 2017, Routledge

TALBOT L., Critical Company Law, 2015, Routledge

TRICKER B., Corporate Governance: Principles, Policies and Practices, 2019, Oxford University Press

 

 

Justesse et Justice dans l’entretien de recrutement : l’intelligence collective comme levier d’action.


Agnès Ceccarelli, PhD.,
ICN Business School

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L’entretien de recrutement implique à la fois efficacité et équité dans sa pratique. En effet, sur un plan managérial l’entreprise se doit de juger avec justesse : sélectionner les candidats les plus compétents et avec justice : éviter toute forme de discrimination. Pourtant, de nombreux travaux portant sur l’entretien non structuré démontrent qu’il ne garantit aucune de ces conditions. Nous présentons ici des recommandations fondées sur l’intelligence collective afin de remédier à ce dysfonctionnement organisationnel.

I. La prise de décision dans l’entretien non structuré
L’entretien de recrutement sous sa forme non structurée est l’épreuve de sélection préférée des recruteurs et la plus utilisée des organisations. Cependant, de nombreuses études ont démontré sa faible fiabilité, sa piètre valeur prédictive, sa forte subjectivité ainsi qu’un risque de biais dans le jugement, susceptible d’alimenter les stéréotypes et les préjugés (Lévy-Leboyer, 1990). A contrario, les entretiens structurés, caractérisés notamment par des questions standardisées, et des critères d’évaluation fondés sur le poste, garantissent la fiabilité, la validité de la décision et réduisent considérablement les biais d’évaluation. Pourtant, si ces derniers garantissent la justesse et la justice du jugement, ils restent très peu exploités au sein des organisations. En effet, les recruteurs préfèrent se fier à leur intuition et à leur jugement. Ils apprécient également l’improvisation, la liberté fournie par le manque de structure et ne réalisent pas les effets pervers induits par les entretiens non structurés. Ainsi, remplacer ces derniers par des entretiens structurés exige des services Ressources Humaines une approche disruptive tant stratégique qu’opérationnelle.

II. L’intelligence collective pour de nouvelles politiques de recrutement
Sur le plan stratégique, le changement de pratiques organisationnelles requière la mobilisation et l’exploitation de l’intelligence collective (Lévy, 1997). En effet, cette dernière, relève d’un ensemble des capacités de compréhension, de réflexion, de décision et d’action d’un collectif
de travail restreint issu de l’interaction entre ses membres et mis en oeuvre pour faire face à une situation donnée présente ou à venir complexe (Zaïbet, 2007). Ainsi, mobiliser l’intelligence collective, faciliterait dans la stratégie des ressources humaines l’intégration et l’usage des entretiens structurés notamment pour satisfaire aux conditions de justesse et justice nécessaires au recrutement.

III. L’intelligence collective pour de nouvelles pratiques de recrutement
Sur le plan opérationnel, on peut citer les travaux démontrant, en complément de l'entretien structuré, l'intérêt d’un comité ou un panel d'experts dans le processus d’évaluation (Macan, 2009). L’entretien est donc mené par deux ou plusieurs intervieweurs qui, ensemble, interrogent un candidat et combinent leurs notes pour obtenir une note globale. Il s'agit d'un moyen de délibération collective qui ajouté à la structure de l’entretien permet d'accroître la fiabilité et la validité des notations (Campion et al. 1997). Pris dans son ensemble, ce processus a également pour atout d’accroître l'efficacité et l’équité procédurale de l'embauche : sa justesse et sa justice.

Références :

Campion, M.A., Palmer, D.K., & Campion, J.E. (1997). A review of structure in the selection interview. Personnel Psychology, 50, 655-702.

Lévy, P. (1997). L’intelligence collective : pour une anthropologie du cyberspace, la Découverte, Paris

Lévy-Leboyer, C. (1990). L’évaluation du personnel : développements récents et orientations nouvelles, Revue française de gestion, 79, 30-36

Macan, T. (2009). The employment interview: A review of current studies and directions for future research. Human Resource Management Review, 19, 203-218.

Zaïbet, G.O. (2007). Vers l'intelligence collective des équipes de travail : Une étude de cas, Management et Avenir, 14, 41-59